essaim_abeilles

« On ne saurait rien définir dans les sciences de la nature ; toute tentative de définition ne traduit qu’une simple hypothèse. On ne connaît les objets que successivement, sous des points de vue différents et divers ; ce n’est pas au commencement de ces sciences que l’on en possède une connaissance intégrale et complète, telle qu’une définition la suppose ; c’est à la fin, et comme terme idéal et inaccessible de l’étude. » Claude BERNARD, Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux (1885), Paris, Librairie philosophique J. VRIN, 1966, p. 24.

Chemins

Prélude

La découverte de la « danse des abeilles » par Karl von Frish a considérablement bouleversé notre façon de percevoir la colonie d'abeilles. Nous savons aujourd'hui que les abeilles communiquent entre elles, notamment par une danse. Lorsqu'une abeille découvre une zone de butinage, de retour à la colonie, elle danse. Elle danse sur les rayons ou sur l'essaim pour renseigner ses sœurs sur l'endroit où se situe la source de nourriture. Cependant, cette abeille « éclaireuse » n'est pas seule à retourner l'information, d'autres s'affairent à la même tâche. Aussi, il est fréquent d'observer plusieurs abeilles dansant en divers endroit de la colonie, chacune pouvant décrire des directions différentes. Lorsque plusieurs abeilles œuvrent ensemble pour une même direction, la majeure partie de la colonie se concentre alors sur cet objectif. La récompense semble toujours liée au profit que la source peut produire. Ainsi, plus une zone est pourvue en nectar, plus elle aura de chance de séduire le plus grand nombre. Certaines abeilles pourtant continueront à goûter aux délices de sucs différents et persisteront à danser de vaines directions.

Le clos des Rosiers

Quelques hommes passent par là de temps en temps mais ne s'y arrêtent pas. C'est le début des Landes de Gascogne, un endroit peuplé de grands arbres. Les résineux, principalement des pins, dominent le sol. Autour, quelques chênes épars se mêlent à d'autres petits arbres de la famille des houx ou des aubépines. Les acacias, piquant comme les rosiers sauvages, les ajoncs ou les impénétrables ronciers, se lient aux châtaigniers. Ombrelles clairsemées, ces grands arbres apaisent de leur ombre les bruyères arborescentes et celles moins enclin à cueillir la cime des géants tant convoitée par les lierres ou les chèvrefeuilles. C'est un lieu presque sauvage où la flore se fait discrète. Les bourdaines y discutent laborieusement une fragile place. Repère également de petits animaux, papillons, sauterelles, fourmis, guêpes, frelons, abeilles, lézards, mulots, oiseaux peuplent les moindres recoins de la lande oubliée. Parfois, le regard croise de noir en jaune, la lente course d'une salamandre. De temps à autre un chevreuil, une biche ou plus rarement un sanglier gardent la lisière du bois. La nuit chouettes, hiboux et autres oiseaux nocturnes bercent la lande devenue silencieuse.

Rencontrer

Rencontrer c'est poser l'expérience du contact. Ce n'est pas juste effleurer. Rencontrer c'est adhérer à une surface autre pendant un temps indéterminé. C'est aussi au delà de l'épreuve de l'unité, confronter les traces historiques des parties pour en ressortir enrichi. Ce n'est pas seulement deux entités qui s'adhèrent, c'est aussi une multitude de mondes qui se fondent en une dynamique de possibles.

Côtoyer les abeilles est une des expériences les plus enrichissantes qui soit donnée de vivre. Leur monde est si étrange et tellement fascinant. Serait-il possible d'en percevoir quelques secrets ? Plusieurs regards se posent. Nous pouvons considérer la colonie d'abeilles comme une société d'insectes qui amasse des substances, les transforme et les stocke : nectar métamorphosé en miel, pollen en pain d'abeilles, résines diverses récoltées sur les arbres et arbrisseaux composant la propolis. D'autres substances élaborées à partir du corps des abeilles : cire produite par les glandes cirières situées sous l'abdomen, gelée royale sécrétée par les glandes hypopharyngiennes placées dans la tête. De simples produits. De façon similaire, nous pourrions penser que nous ne sommes que des êtres composés d'organes, cœur, foie, poumons, etc. et que ceci serait suffisant à résumer ce que nous sommes. Si nous gardions l'idée que la colonie d'abeilles est une société d'insectes, alors il faudrait accepter que nous soyons également une société de cellules. Notre corps en compte plusieurs milliards [source Wikipedia]. Pouvons-nous envisager la colonie d'abeilles autrement, la percevoir comme un organisme vivant doué de conscience qui respire, se nourrit, se reproduit, communique ? Se présente alors, une vision différente du monde. Les abeilles deviennent simplement des cellules au service d'un organisme, d'une entité. Elles grouillent, vaquent à leurs occupations, ancrées sur un exo-squelette formé de rayons de cire, permettant le maintient de l'être dans une forme plus ou moins constante — l'équivalent de nos os. Un exosquelette en substance, dans et sur lequel d'autres substances viendront s'attacher à prendre une place non moins importante. C'est le cas de l'eau, du nectar, du miel, du pollen, de la gelée royale, de la propolis. C'est le cas également de matériaux vivants, ayant commencé une transformation — les œufs, les larves, les nymphes, les abeilles dans leur forme établie dès la naissance. Nous ne regardons plus maintenant ces abeilles qui passaient par différents stades (nettoyeuse, nourrice, cirière, gardienne, butineuse, éclaireuse), ces mâles rejetés à l'entrée de l'hiver par la colonie, ni même la reine féconde qui permet la cohésion de l'ensemble, la progéniture regroupée en couvain. Nous ne voyons pas non plus les produits que sont le miel, le pollen, la gelée royale, la cire, la propolis, le venin et leurs caractéristiques communes respectives. Ce que nous voyons là, présentement, c'est un être vivant, un organisme. Un organisme ayant une couleur, une odeur, un tempérament, un caractère, une histoire, une propension à interagir avec le monde qui l'entoure. Un être profondément intelligent, doué d'évolution et qui nous observe autant que nous l'observons depuis des milliers d'années. Un être conscient des êtres que nous sommes.

« Est-ce qu'une machine peut penser ? La question est tournée d'une manière stupide. Il est évident qu'une machine ne peut penser comme un être humain. Une machine est différente d'une personne donc pense différemment. La véritable question est : Est-ce qu'on doit sous prétexte que quelque chose pense différemment de nous, en conclure d'office qu'il ne pense pas ? Nous admettons tout à fait que les êtres humains soient très différents entre eux. Vous aimez les fraises, je déteste le patin à glace ; vous pleurez devant les films tristes, je suis allergique au pollen. Que nous prouvent ces différences de réactions, ces différentes préférences, si ce n'est que nos cerveaux fonctionnent différemment et que nous pensons différemment. Et donc, si nous pouvons le concevoir pour nous, nous pourrions le concevoir pour des cerveaux fait de cuivre, de câble et d'acier. »Film The imitation game de Morten Tyldum (2014)

Aussi, efforçons-nous de dévoyer sensiblement notre regard et admettons encore un instant l'hypothèse d'un organisme organisé en organes. Lorsqu'il se présente à nous sous une forme nue, c'est-à-dire au grand jour, sans les cires et les différentes substances qu'elles contiennent, sans les œufs, les larves et les nymphes, ce que nous nommons le couvain ; lorsqu'il nous apparaît, posé le plus souvent sur une branche, à la lumière d'un nouveau jour, agglutiné en une masse informe, parfois en un modelé plus ou moins sphérique et de couleur sombre, cet être semble figé dans une immobilité cristalline, pourrait-on croire pétrifié, paralysé, terrifié, cet être dans l'inertie du repos cherche à s'oublier du regard. Caché dans l'abîme du jour, il ne désire nullement manifester une présence. Il se fond en un point à peine présentable. C'est bien souvent par un heureux hasard qu'il nous apparaît bien malgré lui. Cette forme adoptée, nous la nommons, essaim. Nous ne l'imaginons pas sous cet aspect quand le mot Abeille se présente à notre esprit, pourtant c'est bien par là que tout commence.

L'essaim

Les plus chanceux d'entre nous, émerveillés ou parfois atterrés, l'aurons vu soudainement arriver en une nuée éthérée. Fréquemment un bourdonnement sourd de plus en plus intense témoigne de son déplacement. Le paysage net de sons soudain s'obscurcit sous l'étonnante vague du bruissement, presque un crépitement. Des milliers d'abeilles interpénètrent sans collision une zone délimitée du corps extensible en mouvement. Et puis, se saisissant, s'agrippant à un objet, l'essaim lentement, très lentement, en un point va converger, s'agglutiner, se condenser, s'incarner. De là, s'immobiliser et observer.

Si Sapiens à l'aube de son humanité — il y a à peine un plus de deux millions d'années —, habitué à saisir la branche sur laquelle le plus souvent il est assis, s'emploie presque immédiatement à se constituer en artefacts, concentré à conquérir son monde par la somme de ses désirs, détournant l'inertie naturelle d'un objet pour en glorifier une quête, d'un simple brin d'herbe piqué dans le monticule d'une fourmilière ou d'une termitière pour en recueillir quelques friandises, encore saisissant l'opportunité d'un morceau de bois traînant à ses pieds ou de quelque pierre trouvée sur un chemin et en penser l'outil de sa convoitise, l'essaim lui s'apprête à se fondre en mondes, en savourer les plus intimes secrets et comme les notes élégantes d'harmonieuses mélodies, perpétuer à jamais le goût de la vie.

De son chant au trente mille yeux, l'animal lui nous scrute depuis les âges les plus anciens. Cinquante millions d'années d'évolution l'auront doté d'une étonnante plasticité. Sans l'édifice natif d'une forme, l'animal de sombre apparence, en absence de figure, oublié dans son identité allant jusqu'à laisser penser qu'il est multiple, qu'il n'est composé que de cellules, une société d'insectes, porte sur nous l'examen précis d'une attention. Si nous pouvons l'observer avec nos deux yeux, dans une vision littéralement frontale, de même que le font les oiseaux dont l'organe perceptif de la vue s'ordonne de façon bilatérale, lui dans un même échange en compte doublement autant qu'il possède de cellules sensorielles [les abeilles]. Lorsqu'il projette sur nous une considération, ce sont des milliers d'yeux qui absorbent l'information de notre nature. Ne possédant aucune face, il perçoit par son organe dirigé en toute direction, ce qui se passe tout autour de lui en un seul et même instant, c'est-à-dire devant, derrière, sur les côtés, en haut, en bas ; il embrasse pareillement ce qui se passe à l'intérieur de lui-même et porte son étude bien au delà de son centre, puisque ces cellules [les abeilles] récoltent les informations dans une aire avoisinant trois kilomètres de rayons — deux mille huit cents vingt-six hectares de données. Nous sommes face à l'essence même d'un sens, face à un sens en puissance. Chacun de ses capteurs sensibles est analogue à son appareil optique — odorat, ouïe, goût, toucher et tout ce dont nous sommes ignorants. Cet être a poussé à leur paroxysme les fonctions des quelques organes sensoriels dont il disposait, juste en seulement quelques millions d'années. Le Monde de cet animal est savouré d'une précision à nulle autre pareille. [En cours d'écriture…]

Une larme de miel, la quintessence d'une émotion…

La plupart du temps, les gens consomment le produit miel lorsque les premiers signes de l'hiver apparaissent. Le froid, le vent, l'humidité sèment les premiers rhumes, les premières rhinopharyngites et autres petites maladies plus désagréables que dangereuses. Les remèdes de grand-mères alors se rappellent aux mémoires. Les grogs, tisanes et laits chauds reçoivent alors la cuillerée de miel proportionnelle à l'oubli des mois passés. Certaines personnes l'utilisent toutefois le matin, par goût, au petit déjeuner, tout comme les confitures sur des tartines de pain, grillées ou pas, avec parfois une raclure de bon beurre pouvant aller jusqu'à être salé. Ces amateurs là, n'hésitent pas à se mettre au service de leurs papilles et s'orientent vers des miels monofloraux qui flattent délicieusement de délicats palais : acacia, châtaignier, lavande, trèfle, etc. Les plus avertis n'hésiteront pas à choisir des miels d'origines florales bien spécifiques afin de profiter des vertus thérapeutiques de la plante médicinale dont ils sont issus, comme c'est le cas notamment pour le miel de thym utilisé pour guérir les maux liés à la sphère ORL. Ce dernier est aussi employé pour ses propriétés cicatrisantes — étudiées dans certains hôpitaux, particulièrement celui de Limoges. Ces utilisateurs amateurs ou travaillant dans des cercles institutionnels n'hésitent pas à exiger des miels ayant des certifications biologiques, biodynamiques, A.O.C. ou autres, plus chers mais semble-t-il de meilleures qualités. Reste à savoir quels sont les critères de bases de ces appréciations qualitatives, qui en sont les représentants et quels sont leurs réels objectifs ? Dernièrement, quelques amateurs de miels plus pointilleux quant aux origines du produit ne cherchent que des miels provenant de colonies d'abeilles domestiques spécifiques comme l'est l'abeille noire acclimatée aux régions de l'Europe de l'ouest. Tous convaincus par leurs idées transmettront aux générations à venir la voie d'une certaine sagesse. Voilà, le paysage plus ou moins exhaustif mais généralement tracé des consommations de miels en France au début du XXIe siècle.

Il est traditionnellement et scientifiquement admis que le miel consommé dans le monde entier est un produit élaboré par une variété d'abeilles domestiquée par l'homme il y a quelques milliers d'années, à la fin de la période du néolithique. Le miel est le résultat d'un processus de condensation par évaporation d'eau, du nectar récolté dans la fleur des plantes par les abeilles et entreposé ensuite dans des alvéoles de cires hexagonales construites dans des abris naturels comme les arbres et anfractuosités, cavités de certaines roches, ou encore plus fréquemment dans des demeures artificielles appelées ruches conçues en pailles ou en bois par l'homme, depuis des millénaires dans un objectif d'élevage et d'exploitation rationnelle des abeilles. À ce titre, il est communément pensé que les abeilles sont organisées en société comme ce peut être le cas d'autres insectes, les fourmis, termites, guêpes, frelons, etc. et que le nectar récolté, une fois transformé en miel sera déposé dans un grenier où l'apiculteur n'aura plus qu'à prélever une part décisive de la substance sucrée afin d'en tirer avantage. C'est en effet un point de vue qui traverse les siècles et dont il est difficile de se détourner. Il existe néanmoins un courant de pensées très peu répandu chez les initiés où la colonie d'abeilles comme nous venons de l'entrevoir ne serait pas une société d'insectes mais serait un seul et même organisme.

Revenons donc à cet être, en présence duquel nous ne pouvons que ressentir une profonde admiration. Dès lors que nous le regardons, non pas avec l'idée d'une société d'insectes qui nous amènerait par analogie à penser une société humaine mais avec l'idée que nous serions face à un seul et même organisme, alors chacune des parties nous dévoile des fonctions bien étonnantes. Ainsi, comme nous l'avons dit précédemment, et sans nous y attarder plus longuement ici, les cires bien qu'ayant des fonctions sensorielles dont nous développerons par la suite les possibilités, représentent l'ossature du corps, pour le maintien de l'organisme, pourrait-on dire pour l'enracinement de ce dernier à un environnement. Les abeilles représenteraient le système nerveux, dont les outils perceptifs — la vue, le goût, le toucher, l'ouïe, l'odorat, etc. permettraient l'appréhension du monde. La propolis aurait des fonctions équivalentes à notre système immunitaire — les globules blancs. Elle pourrait avoir également une approche englobante et protectrice telle une peau. Enfin, l'élément que nous nommons miel pourrait former une enveloppe adipeuse tout autour de l'organisme, pour protéger l'ensemble, et notamment le couvain, lieu où se concentre les naissances, des agressions extérieures. Ces dernières pouvant être liées à des attaques de prédateurs qui se régalent de la manne sucrée. Cependant, il nous faut penser aussi à des violences toute autre, celles particulièrement des éléments naturels comme la rigueur des premiers froids ou des gelées printanières. Les courbes de températures oscillent dans une même journée en des extrêmes pouvant parfois atteindre plus de vingt degrés d'amplitude. La nuit, nous enregistrons dix degrés, le jour le thermomètre affiche trente degrés. Ces courbes ascendantes et descendantes, aiguisées, acérées, agressent chaque jour l'organisme notamment les parties vivantes les plus fragiles comme le sont les œufs, les larves, les nymphes, les abeilles naissantes et la reine, analogue à une cellule germinale. Si nous nous attardons sur la substance miel, nous pouvons observer qu'elle est dans sa nature très mauvaise conductrice de chaleur. Elle se charge difficilement, lentement en calories et restitue très graduellement ce qu'elle aura pu emmagasiner en énergie. En somme, le miel est un matériaux isolant dont la fonction principale, hormis d'apporter une source d'énergie non négligeable dans sa nature propre alimentaire, sera de lisser les courbes aiguës et menaçantes des températures quotidiennes. Il en sera de même de ce rôle tampon au cours de l'année où après chaque période de floraison des plantes, apportant des miellées providentielles, des périodes de disettes plus ou moins longues parsèmeront l'agenda des saisons. De fait, la présence de ce corps adipeux dans l'organisme compensera les périodes de stress alimentaire. La fonction première du miel est donc outre sa destinée énergétique alimentaire d'induire un équilibre en toute chose. C'est pour cette raison essentielle bien plus qu'une autre que des récoltes de miels monofloraux pratiquées tout au long de l'année par les apiculteurs pour les consommateurs provoquent des stress, des traumatismes conséquents et irrémédiables sur l'organisme abeille.

Attardons-nous ici à faire une courte digression pour en bien comprendre le mécanisme. Imaginons une personne en colère. Quelle est la partie en colère chez cet individu ? Est-ce son œil droit qui est en colère, le bout de son nez, son coude gauche ? Quelle est la partie de son corps qui contient l'émotion exprimée ? Prenons une personne est timide. Qu'est-ce qui est timide en elle ? Nous ne pouvons répondre à cette question bien évidemment sans une étude plus approfondie, plus scientifique. Cependant nous pouvons imaginer que l'émotion, le sentiment vécu se propage à l'ensemble du corps. Tout comme ce denier produit la température de trente-sept degrés [chez l'homme], certaines parties expriment plus ou moins trente-sept mais en aucun cas, des zones sont à moins cinquante ou à plus deux cents degrés. Nous pouvons alors peut-être émettre l'hypothèse que la matière physique d'un organisme exprime dans son ensemble, plus ou moins l'émoi que nous observons. Maintenant, si nous prélevons une infime partie de cet organisme, le lambeau de matière ne devrait-il pas contenir une part signifiante du trouble observé, la colère, la timidité ou le stress ? Imaginons un être ayant subit une opération à cœur ouvert, ces cellules physiques ne se souviennent-elles pas pendant minimum une année du trauma de l'opération effectuée ? Psychologiquement, les traumas persistent des années durant. Nous avons tous de tels cas autour de nous, dans nos familles pour en comprendre ici l'importance. Si la colonie d'abeille a été agressée, traumatisée notamment par des opérations apicoles, pris au sens littéral du terme, que penser de la vingtaine d'interventions pratiquée sur la colonie pendant l'espace d'une saison, pour jouir d'un fragment de son corps ? Imaginez : visites de printemps, d'hivernage, insertion ou déplacement des rayons de cire en vue d'accroître l'espace de ponte pour augmenter les naissances et donc les récoltes, nourrissements spéculatifs, traitements préventifs et curatifs, les récoltes, les transhumances, les contrats de pollinisation, les essaimages artificiels, élevage de reines, clippage (consiste à couper un tiers d'une aile de la reine), marquage, insertion de nouvelles reines croisées, hybridées, production de gelée royale, de pollen… la liste est longue. Et encore, nous n'avons pas énuméré les dérangements liés à l'observation et ceux exécutés dans un objectif de connaissances ou de partages des savoirs. Chaque opération modifie l'harmonie qui règne au sein de l'entité et provoque un traumatisme non dérisoire, non réparable. Les répercussions de nos actions sont conséquentes. Notre curiosité est louable. Nos vanités le sont peut-être moins.

Prolongeons maintenant l'idée développée précédemment. Nous admettons depuis des lustres, depuis la Renaissance notamment et les recherches liées à l'anatomie, qu'un corps est un système complexe composé de plusieurs éléments : glucides, lipides, protides, vitamines, acides aminés, sels minéraux, oligo-éléments, etc. La médecine et la diététique nous instruisent à cet égard. Les aliments que nous consommons sont issus d'organismes, à l'origine vivants, tels que les plantes et les animaux. Cependant, lorsque notre attention se porte sur l'objet d'une nourriture, nous constatons que certaines propriétés ont été écartées, qu'elles n'ont pas été prises en considération. Commençons par les couleurs. Lorsque nous portons à notre bouche une tomate, le rouge frappe préalablement notre rétine. Nous ne consommons pas à proprement parlé l'onde lumineuse rouge qui nous apparaît au premier abord en pleine lumière. Ce dernier point est important. En effet, l'onde lumineuse rouge de la tomate a été réfléchie par la matière du fruit. C'est la raison pour laquelle nous pouvons percevoir le rouge de la tomate et à ce point nous pourrions dire que nous consommons cette onde non pas par la bouche mais par les yeux. C'est-à-dire que l'onde lumineuse serait incorporée non pas par les voies du système digestif mais par celles perceptives liées au sens de la vue. Laissons néanmoins de côté cet aspect pour l'instant. Si l'onde lumineuse rouge a été renvoyée par la matière du produit, en revanche la complémentarité des autres ondes lumineuses, bleue, jaune ou autres, ont bien fleurtées avec la matière de l'aliment. Or, une onde lumineuse est une onde électromagnétique. Se pourrait-il que les couleurs, les ondes lumineuses des aliments, les ondes électromagnétiques puissent avoir une incidence notable sur les mutations dans notre organisme ? Car rappelons le, les molécules d'A.D.N. sont agencées en paires de bases azotées, constitutives des acides nucléiques — l'[A]dénine liée à la [T]hymine, la [C]ytosine associée à la [G]uanine — et sont assujetties à des attractions électromagnétiques. Lorsque nous consommons un aliment, ce dernier va être décomposé en particules plus fines (pour ne pas dire élémentaires), tout d'abord par broyage suite à l'action des dents, puis par les enzymes de la salive, subséquemment par les sucs gastriques, jusqu'à ce que la taille des portions de matière puisse être si infime que la possibilité leurs est offerte de traverser la paroi intestinale. De là, les aliments passent de l'extérieur du corps puisque le système digestif est encore en lien avec l'environnement intime de l'organisme, à l'intérieur du corps. Ces particules rudimentaires nous les nommons nutriments. De là, ces éléments primordiaux seront pris en charge par le flux sanguin et accompagnés jusqu'à la moindre cellule qui compose notre organisme. Nous en comptons plusieurs milliards. Des cellules somatiques, des cellules sexuelles, des cellules sensorielles, etc. Chaque cellule recevra une part, sa part de nutriments. Nous pourrions faire l'expérience pour mieux comprendre le procès, d'une bouteille emplie de soixante-quinze pour cent de son volume par un liquide tel que l'eau, puisque un corps humain adulte contient environ cette quantité de fluide. En incorporant quelques gouttes d'un colorant quelconque, le liquide dans sa totalité se teinterait immédiatement. Bien que ce ne soit pas aussi simple, des correspondances peuvent être émises de l'exemple précédent. Ainsi chacune de nos cellules après ingestion d'un aliment recevra, absorbera une dose plus ou moins importante de nutriments.

Poussons plus avant encore cette petite réflexion. Chaque jours des cellules de notre corps se divisent. Peu importe lesquelles. Nous devrions employer le terme de multiplication qui est plus approprié car les cellules filles auront un même poids, une même taille, un même volume par rapport à la cellule mère dont elles sont issues. Le terme de division ne correspond pas en effet car en ce cas, les cellules résultantes auraient une taille moindre par rapport à leur parent et finiraient à terme par disparaître. Aussi, si nous observons ce qui se passe dans le processus de division, nous remarquons que l'ensemble des éléments se divisent, ce qui implique qu'avant le processus de division, la cellule mère a doublé de volume et a multiplié son poids par deux pour qu'au final nous ayons deux cellules filles identiques à la cellule mère. Cela peut vouloir dire que lors de ce processus lié à la multiplication cellulaire, la cellule a consommé son poids en nutriments et en eau. Or, dans le processus de multiplication ce sont tous les éléments qui se divisent : la membrane cytoplasmique, le cytoplasme, les organites organes de la cellules (appareil de Golgi, réticulums endoplasmiques, les ribosomes, les mitochondries, etc.), le noyau cellulaire et les molécules d'A.D.N. Et c'est précisément ici que cela devient intéressant, avec quel matériaux ces molécules d'A.D.N. se constituent-elles ? Peut-être avec les éléments dont la cellule dispose alors : les nutriments ! Cela peut vouloir dire que même si la molécule d'A.D.N. est et reste immuable (en théorie), les nutriments servent de briques élémentaires à la constitution de telles molécules. Aussi, tout ce que nous consommons, après avoir été ingéré, décomposé, incorporé semble finir au cœur de notre mémoire cellulaire. Ceci est capital en effet car comme dit précédemment un aliment est issu d'un organisme vivant et n'est pas constitué exclusivement que de matière. Des charges électromagnétiques accompagnent cette matière mais également suivant notre hypothèse des charges émotionnelles qui s'immiscent dans la partie la plus intime de notre mémoire cellulaire, la molécule d'A.D.N.

Lorsque nous présentons le miel comme un vulgaire produit de consommation, c'est oublier qu'il est à l'origine une part vivante prélevée sur une existence douée de conscience, possédant des émotions et dont les expressions sont contenues dans l'ensemble de son corps. Un miel peut être primé au concours agricole de Paris, avoir un fumet attrayant, une apparence envoûtante et des saveurs subtiles… si les colonies dont le produit est issu ont été traumatisées par des opérations intempestives durant les longs mois de production par l'apiculteur, alors les traumas seront véhiculés jusqu'à la plus intime, la plus infime partie de notre organisme, au sein de la mémoire cellulaire, au sein de nos molécules d'A.D.N. et ce faisant pourront induire à notre insu une dynamisation, une amplification, une modification des mutations cellulaires. Ces dernières peuvent être anodines, elles peuvent ne pas l'être également. C'est un point important que toute personne ayant la responsabilité d'élever des plantes ou des animaux et de produire des aliments pour d'autres personnes aux fins de nutritions, autrement que dans un cadre strictement personnel, devrait avoir en mémoire pour agir en conscience. Si un adulte est capable de s'informer, d'aller chercher des informations auprès de producteurs, un enfant lui n'a pas ce pouvoir. Même si des personnes âgées, des personnes sous l'emprise de la maladie, fragilisées peuvent parfois prendre le temps de la réflexion, l'embryon en train de grandir dans le ventre de sa mère ne pourra en aucun cas être responsable de ses choix. Il est donc de notre devoir de réfléchir à la teneur de nos actes. [En cours d'écriture…]

Une entente cordiale

Le miel convoité par les peuples du monde entier depuis des temps les plus reculés est le fruit d'une harmonie entre les plantes et les abeilles. Quelques millions d'années nous séparent de ce pacte conclu entre le végétal et l'animal. Quelques millions d'années d'évolution, d'entente, de partage et de sagesse. Deux mondes qui auraient très bien pu rivaliser sur un territoire commun mais qui ont préféré s'accorder et s'apporter mutuellement. Deux Mondes qui ont su mettre de côté les différences qui les opposent. Nous, jeunes de quelques dix mille ans, les regardons peut-être avec les yeux de l'ignorante adolescence.

Il y a plusieurs millions d'années, les plantes ouvraient la voie à la vie terrestre [1]. Leurs modes de reproduction utilisent depuis toujours les éléments naturels tel que l'eau ou le vent. Cependant, il y a environ cent vingt millions d'années [200 selon les sources], certaines plantes changèrent leur façon de se reproduire. Les angiospermes [2]. Ces dernières mirent à contribution quelques animaux notamment les oiseaux, certains petits mammifères comme les chauves souris et les insectes [3]. Les différents agents polliniques naturels ou vivants sont mobiles, ils se déplacent. Il a fallu que les plantes modifient profondément leurs structures pour s'adapter aux nouveaux agents pollinisateurs. Elles ont du se parer d'attributs pour attirer les nouveaux porteurs de semences. S'ornant de coiffes colorées, distillant sucs et parfums enivrants. Une fleur naissait. Séductrice. Elle offre à qui veut bien la visiter, un liquide sucré, du nectar, en échange d'une petite course. Ce nectar est composé principalement d'eau et de sucres. Sucres synthétisés par la plante grâce à la lumière. Sucres, matériaux vitaux tant prisés par les insectes.

Tout comme les oiseaux, les insectes volants évoluent avec une dimension en plus par rapport aux animaux dit terrestres. Ils doivent être très attentifs à ce qui se passe tout autour d'eux — en-dessous et au-dessus, derrière autant que devant et sur les côtés. Les prédateurs ne sont jamais loin. La vision bilatérale permet peut-être une meilleur réactivité par rapport à la vision frontale en alignant le champ cortical. L'animal voit ainsi ce qui se passe à sa droite et à sa gauche en une même fraction de temps. Un tour de tête, et l'arrière et le devant se rejoignent. De même que penché le corps sensoriel permettra la vue de ce qui se passe en-dessous et au dessus, en même temps. Évoluant à des vitesses de déplacement bien supérieures à la généralité des autres vivants, le système nerveux des volants doit être beaucoup plus dynamique, réactif, pour prévenir les obstacles ou simplement adapter les trajectoires de vol. Ainsi, le système nerveux semble avoir besoin d'une quantité plus importante d'apports sucrés. Les oiseaux trouvent ce combustible dans les céréales — riches en sucres. Les insectes volants eux, puisent cette riche nourriture dans les corolles colorées.

Cependant, nous pouvons observer que les sucres ne font pas forcément l'objet d'une quête unanime. Les plantes subissent l'assaut de nombreux animaux dont les insectes, se nourrissant de leurs feuilles, racines, tiges, sèves. En riposte, les plantes s'arment d'aiguilles, élaborent des toxines… certaines même capturent les indésirables et les digèrent — plantes carnivores ou certains mycéliums qui figent leur proie. Le végétal et l'animal ne font pas forcément bon ménage. Alors, fort de ce constat, il est possible d'imaginer, qu'en des temps anciens, loin de toute observation, une entente cordiale ait pu s'instaurer entre certains individus de ces deux Mondes.

Une symbiose éternelle

Les abeilles vivent seulement en prélevant un faible pourcentage des substances sécrétées par les plantes ou par certains animaux — pucerons, cochenilles. Elles ne détruisent aucun autre être vivant sauf dans le cas nécessaire de protéger vie et descendance. Elles ne consomment ni la plante nourricière, ni de parties de celle-ci et encore moins d'autres êtres, d'autres animaux. Elles sont arrivées en quelques millions d'années d'évolution à respecter le vivant sans impacter l'environnement minéral, végétal et animal. Elles vivent simplement. Si des déséquilibres interviennent à l'heure actuelle par participation à la disparition des autres espèces pollinisatrices, ce ne sont que des actes irréfléchis induits par une intelligence humaine — exploitation intensive, hybridation, etc. Les colonies d'abeilles ne se mettent jamais en concurrence. Elles ne s'accaparent pas de territoire, ne détruisent pas leur environnement. [En cours d'écriture…]

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